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Cette année, ma joie a été de retrouver le splendide Documentary Theater de Toruń pour assister aux deux séances de courts métrages documentaires en compétition.

Les quatre premiers films m’ont transporté successivement en Corée du Sud, en Thaïlande, en Colombie et… à Marseille. Marine Ottogalli, ma comparse de projection, m’a demandé lequel j’avais préféré. Je n’ai pas su quoi lui répondre sur le moment car bien que je les ai tous beaucoup appréciés, aucun ne m’apportait la satisfaction double d’une image incroyable (c’est un festival de chef·fes ops !) au service d’un récit véritablement singulier pouvant stimuler ma curiosité. Puis est arrivée la deuxième séance. C’est là que j’ai découvert No Mean City, réalisé par Ross McClean et sublimé par l’image de Ronnie McQuillan. Une pépite rare, précise, hypnotique. Le film a d’ailleurs remporté le premier prix du jury, une récompense amplement méritée.

Le documentaire s’ouvre sur un très gros plan d’une ampoule sodium, accompagnée d’un bourdonnement électrique chaleureux qui remplit la pièce. Puis l’ampoule s’éteint.

On suit ensuite deux ouvriers et leur apprenti dans leur camionnette, à travers Belfast, tandis qu’ils remplacent les anciennes lampes sodium par des LED au faisceau plus froid. Dès les premières images nocturnes de la ville, le cadrage nous pousse instinctivement à lever les yeux vers ces lampadaires et leur magnifique glow orangé.

Quelle bonne idée que d’utiliser des filtres de type Black Promist, pour illustrer un film sur la lumière urbaine ! Je suis captivée d’un coup par la poésie qui se dégage. Puis vient la nostalgie : les LED installées par les ouvriers modifient l’humeur de la ville. La chaleur disparaît, on a froid d’un coup. On assiste à une transformation silencieuse.

La lumière elle-même s’impose comme un personnage central : elle interroge ce que l’on perd dans l’avancée de la modernisation. Les échanges entre les ouvriers et les visiteurs nocturnes évoquent cette mutation technologique, mais aussi les traditions qui s’effacent.

Un peu plus loin, des habitants allument un traditionnel grand feu de palettes. Ils sourient, dégustent des glaces, célèbrent ensemble : ils se réapproprient la nuit, et rendent la ville à nouveau vivante et chaleureuse.

A ce sujet, le réalisateur Ross McClean explique : 

“Pour nous, le film parle de tradition, de nostalgie, de changement et de modernité. Cette ancienne coutume d’allumer d’immenses feux de joie représentait, à nos yeux, le passé, ainsi que la culture nocturne de la ville. Elle faisait également écho à notre vieux lampiste dans le café, lorsqu’il évoque la lueur chaleureuse d’un feu comme quelque chose de naturel. Il y a donc une dimension presque primitive dans le fait de l’inclure.”

Le film explore également la question de la transmission. On s’attache inévitablement à Paddie, jeune apprenti de 16 ans, qui apprend silencieusement les gestes d’un métier voué à l’extinction. Dans un café, entouré de ses collègues, il écoute Jimmy raconter avec une pointe de nostalgie, qu’ils sont les derniers lampistes de Belfast.

No Mean City dresse donc le portrait d’une ville en pleine mutation, saisie à travers le changement de sa lumière. Et bravo à Ronnie McQuillan, qui par son travail d’image parvient à sublimer cette transformation avec une finesse et une sensibilité remarquables.

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