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Eleanor the Great

Hélène Louvart s’empare du premier long métrage de Scarlett Johansson, Eleanor the Great, avec une justesse remarquable, parfois traversée d’un léger onirisme pour accompagner une histoire souvent dure à entendre. Johansson aborde ici des thématiques encore trop rares au cinéma : la vieillesse, la solitude, l’amitié entre femmes de 90 ans, mais aussi cette zone trouble où le mensonge devient acceptable sous couvert du deuil.

À 95 ans, Eleanor voit son quotidien s’effondrer après la perte de sa meilleure amie. Pour échapper à la solitude, elle quitte la Floride et retourne seule à New York, une ville chargée de souvenirs qu’elle n’a pas revue depuis des décennies. Là, entre réminiscences, petits mensonges pour se protéger et rencontres avec un groupe de personnes endeuillées, elle tisse de nouveaux liens et ravive des zones oubliées de sa vie. Peu à peu, Eleanor doit affronter ce qu’elle a laissé derrière elle et trouver une manière sincère de se réinventer.

La photographie d’Hélène Louvart, discrète et élégante, révèle les personnages avec retenue. Sa signature visuelle, assumée mais jamais envahissante, place la caméra à hauteur d’émotion empathique sans souligner avec outrance ce que vivent les protagonistes. Par des cadres posés et travaillés, Hélène souligne d’abord l’amitié fondatrice entre Eleanor et Bessie, toutes deux veuves et amies de longue date, puis celle, inattendue, entre Eleanor et Nina, elle dans la vingtaine. Les cadres qui magnifient l’émotion des visages de ces femmes ont grandement participé à faire naître chez nous ce matin nos premières larmes du festival.

Le montage parallèle, accompagné de transitions lumineuses discrètes, relie ces temporalités et permet de s’immerger pleinement dans ces moments de bascule. La lumière évolue subtilement entre la Floride et New York, sans jamais tomber dans les clichés d’un bord de mer solaire et coloré opposé à une ville grise et monotone. Hélène parvient au contraire à « rendre New York plus personnelle, une ville où ses habitants peuvent avoir une vie intime et quotidienne comme partout ailleurs. »

Ce film évoque par instants l’esprit d’un documentaire présenté l’année dernière à Camerimage, Echo of You, tant il cherche, lui aussi, à capter les traces sensibles que laissent les êtres que l’on perd et ceux que l’on rencontre.

Elie Leber & Stella Liber